Plus d'un mois après notre installation, ma rencontre aujourd'hui avec Michel Moine a clôt, ai-je senti, cette première approche enthousiaste de la Creuse et d'Aubusson.
Les premiers contastes de la nouveauté, vifs et intenses, s'amenuisent peu à peu pour n'être que vague souvenir, et déjà cet automne naissant est mien, ainsi que ces habitudes quotidiennes : grasse matinée, visite des lieux, découverte des personnes, prise de photos, restaurants, siestes, etc ....
L'ennui aujourd'hui m'a poliment signifié qu'il fallait à présent passer à un autre mode, majeur pour pour une vie équilibrée : le travail. Mais attention, pas n'importe lequel : le travail sur ce qui me passionne.
En l'occurence, le travail sur la laine et la couleur. Quand j'entre chez un lissier, plutôt que de regarder ses tapisseries ou le travail en cours sur son métier, je regarde d'abord son stock de laines.
Bien sûr, une belle tapisserie n'est pas forcément une pièce comportant beaucoup de couleurs, mais c'est comme ça, les stocks très fournis, bien triés et classés, ainsi que les matières, m'attirent. Et c'est par là que j'ai envie de m'attarder. (Photo du stock de laine de la manufacture St Jean : Merci à M. Blondeau pour son autorisation).
Bref l'ennui, au lieu d'être le mauvais signe que certains me promettent, est un bon présage à plusieurs titres. "La Creuse c'est mort, tu vas voir" me lancent certains, surtout des Creusois ou ex-Creusois, ou bien le classique "mais il n'y a rien là-bas" des Parisiens.
L'ennui est déjà un signe d'adaptation au lieu, et à la vie qui s'y déroule. On pourrait en apprendre plus, mais au niveau banal, on sait déjà fonctionner.
De plus, il est le résultat du calme général d'Aubusson, qui s'intensifie plus on s'éloigne de la saison d'été, comparé à l'agitation de la Seine Saint-Denis que nous venons de quitter. Moins de voitures, moins de rencontres, moins de coups de fils, etc ...
Les stimulis sont plus espacés, moins intenses, qu'ils soient positifs ou négatifs. Les sources de distraction sont donc moindres, qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore.
Mais, pour moi qui ait connu un autre ennui, celui d'avoir des idées plein la tête sans pouvoir les réaliser, ce nouvel espace où le temps montre toute sa longueur, mais surtout toute sa largeur est un aboutissement. C'est pourquoi l'ennui est une excellente nouvelle; les expériences, les essais et les recherches vont pouvoir se faire dans le rythme qu'il leur faut.
(Photos de mon établi : vivement qu'il soit réinstallé, celui-là. Je l'ai fait de mes mains, grâce à une tranche de tronc de chène de 6 cm d'épaisseur : une fierté)
Et quand le froid viendra, ma foi, je rappellerai à mon souvenir ce bon René Descartes, qui pris plaisir à nous gratifier de son "Discours de la Méthode" au cours d'un hiver, bien installé près de son poële à bois. Ainsi, bien installé à l'atelier, avec un bon feu de bois dans un foyer, je prendrais moi aussi ce genre de plaisir en attendant le printemps, avant de montrer au dehors ce qui s'est fait en dedans.
Je suis joailler, après avoir été marchand de pierres, et je m'intéresse aux laines des lissiers, disai-je hmmmmm ?? Qu'est-ce que ça va donner ?
L'avenir le dira, mais pour l'heure, revenons à Aubusson.
La baisse du nombre d'habitants, ces cinq dernières années, s'est traduite par la perte de 50 enfants dans les écoles. Mais à présent, d'après Michel Moine, la démographie de la ville est stable, bien que la situation demeure fragile. Nous avons discuté des divers projets en cours ou à venir que la municipalité prend en charge pour la ville.
Il y a le projet onéreux mais indispensable de la station d'épuration d'eau, qui mettra tous les rejets d'eau d'Aubusson aux normes européennes, très strictes.
Il y a la dissimulation du réseau électrique aérien du quartier de la Terrade, dernière tranche de rénovation de ce quartier.
L'usine Phillips sera détuite, l'espace dégagé sera utilisé autrement (trou de mémoire : je me souviens plus) et une passerelle piétone permettra de rejoindre l'autre côté de la Creuse, à partir de la Terrade, sans passer par le centre ville.
Dans toute la ville, des jardins seront restaurés et réaménagés, et feront partie d'un parcours où chaque étape comportera une énigme. A la fin du parcours, une tapisserie exposée livrera les réponses aux énigmes, et cette tapisserie sera refaite tous les deux ans.
Bref, malgré les difficultés économiques de la ville, et son endettement qu'elle doit continuer de faire baisser, la municipalité s'engage dans tous ces projets, et d'autres encore que j'ai oubliés.
Michel a souligné l'importance pour sa ville de mieux faire valoir ses avantages du point de vue du tourisme, en particulier en améliorant ce qui concerne ses capacités d'accueil, ainsi que tous les services rendant le séjour du touriste facile et agréable.
A cet effet, j'en profite pour suggérer à quelques commerçants, et particulièrement à la dame du Café du Commerce, que s'ils sont agréables et sympatiques, ils rendront service non seulement à leur propre commerce, mais à leur ville. Bien qu'en général je suis ravi de la gentillesse de ceux qui tiennent boutique, certains, malheureusement, gâchent le plaisir, ou tout simplement ne fournissent pas le service demandé.
J'ai fait remarquer à Michel que l'activité touristique n'était pas forcément le plus gratifiant pour une région, comme dans le sud où pendant l'été c'est l'abondance, puis pendant l'hiver le désoeuvrement, dans une ambiance de bas revenus. Ce à quoi Michel me répondit que même en été, la ville ne s'en sort pas.
Je peux l'imaginer, vu la rareté de certains services, et vu les difficultés que nous avons eues pour trouver un premier pied-à-terre, en vue de nous installer.
Ce qui nous amena à discuter de l'intention de la ville d'attirer des artisans, qui y vivent et y travaillent toute l'année. Ce projet est celui qui a le plus retenu mon attention : c'est l'acquisition de bâtiments anciens par la Mairie, et qui seront proposés à des artistes. Cela répond tout à fait à mes interrogations, puisque cette maison qui avait occupé mon imagination est une de celles qui seront acquises :
ici
et ici
Le bâtiment du secours populaire, moderne et ne représentant aucun intérêt de patrimoine, sera détruit, ce qui dégagera la magnifique tour que ma chère compagne a pris en photo :
C'est bien ce que la ville et ses maisons imbriquées inspire : un essaim d'artisans et artistes libres, installés les uns près des autres, collaborant selon les marchés et les affinités. On pourrait imaginer toutes sortes d'organisations qu'ils pourraient avoir entre eux, pour former corps et faire valoir leurs produits partout en France, et au-delà.
Mais pour ça, il faut rechercher l'ouverture, il faut des esprits ouverts et commerciaux qui font connaître au loin et vendent les produits de ces artisans. Or on ne peut pas faire les deux, produire des objets de haute qualité avec une bonne concentration, dans le calme, et voyager, communiquer, vendre. Aubusson est déjà un nom très connu, c'est un avantage que la ville et ses artisans devraient pouvoir exploiter avec succès.
La date est fixée : nous signons pour la fermette le 12 octobre, nous emménagerons alors peu à peu à Banize. Mais, comme je le disais à Michel, nous garderons un pied à Aubusson. J'aime bien ce que dégage la ville de Felletin, par exemple, mais lors de ma dernière visite de cette ville, j'ai compris qu'Aubusson a vraiment quelque chose de particulier, à mes yeux. Quelque chose qui m'attire, comme un mystère ou une énigme, ou peut-être une promesse.
Nos ateliers seront à Banize, mais notre esprit créatif restera connecté à Aubusson, notre capitale artistique.
De tout mon coeur avec cette ville, je lui souhaite un avenir radieux, propère, et plein de joie.
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